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Bien souvent sollicités au nom d’un délassement cognitif, les jeux, jouets et jeux vidéo s’invitent sous le masque innocent de l’enfance, du gratuit et du naturel. Ludologie, éthologie, voire même pédagogie, suspendent la question de la dimension symbolique des représentations formelles et structurelles des jeux, et de leur possible incorporation. Par extension, c’est la question de l’instrumentalisation des jeux qui disparaît. Pourtant, celle-ci semble essentielle au « siècle du ludique » pour reprendre l’expression d’Eric Zimmerman (2015, p. 19). A l’ère de la gamification, les jeux sont pervasifs et ubiquitaires. Ils pénètrent l’ensemble des activités humaines, y compris le champ de l’Art.

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L’Artgame, qui émerge dans les années 1980 et prend son essor dans les années 2000 avec le développement de l’Internet, est un courant artistique qui se construit en saisissant le jeu vidéo comme un médium. Il n’est plus alors question de se focaliser sur les problématiques majeures de l’industrie, à savoir la jouabilité et la loi du marché, mais plutôt de parvenir à des créations expressives et politiques par leurs formes et leurs contenus. Le Game Art, quant à lui, révèle la dissémination du jeu vidéo dans les autres médiums artistiques : film avec les machinima, peinture, photographie, etc. Les jeux, et en particulier les jeux vidéo, deviennent un des sujets de l’art contemporain.

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Ces créations ludiques et artistiques ne sont pourtant pas l’unique fait du développement du jeu vidéo. Il est nécessaire de se plonger dans une Totalité historique, sociologique, philosophique, politique et artistique pour comprendre le développement de ces courants. Ainsi, préfigurant les Modernes, la caricature laissait déjà apparaître le détournement de structures ludiques anciennes, comme le jeu de l’oie ou les jeux de 54 cartes. Avec les Modernes, le jeu et le fun se font les parfaits agents désacralisés du non-sens, une objection nécessaire à la déshumanisation de la révolution industrielle. Quand les surréalistes se saisissent du concept de « jeu » (Breton, 1924, p. 36), l’objectif est de montrer l’absurde du monde moderne et l’échec de la pensée rationnelle et progressiste. Depuis Dada jusqu’à Fluxus, le jeu n’a cessé d’être exploré comme un thème, une pratique ou un but.

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Qu’en est-il aujourd’hui ? Y-a-t-il du jeu dans l’art et de l’art dans le jeu ? Au milieu de la récupération marchande, de la rationalisation et de l’hyperindustrialisation des productions de jeux vidéo, existe-t-il un espace, un public et des créateurs participants à la résurgence d’un jeu, numérique ou non, se revendiquant du domaine artistique ? Plus simplement peut-on faire de l’art avec un médium ludique ? Et inversement, en quoi le jeu peut-il féconder la création artistique ?

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Ce colloque abordera ces différentes questions en ranimant la question de ce qui fait jeu et de ce qui fait art au 21 ème siècle. L’objectif est alors d’explorer le terrain fertile de l’Artgame (Holmes, 2003), du Game Art (Bittanti, 2006), et la dimension ludique omniprésente dans l’art contemporain. Aussi, seront appréciées les communications analysant les valeurs culturelles portées par ces créations, aujourd’hui, et cherchant à mettre en lumière méthodologiquement les discours et les tensions qui en ressortent.

En ouvrant ces questions sur l’articulation et la rencontre du jeu — numérique ou non — avec l’art, ce colloque espère contribuer aux réflexions artistiques et esthétiques   émergentes dans le domaine vidéoludique et dans celui de toutes les pratiques plastiques contemporaines.

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